A la rencontre… du rêveur d’images

J’ai rencontré Jean-Luc à Paris, à une Master Class Xrite France.

Il faisait la démo d’un logiciel qui s’appelle Affinity Photo, alternative à Photoshop pour certains, complément pour d’autres.

Assister à une démo avec Jean-Luc, c’est assez fascinant, tellement tout semble facile et les ouvertures infinies.

A discuter entre deux démos, j’ai un peu compris d’où vient cette ouverture et sa passion pour ce qu’il fait.

Quand quelqu’un qui a travaillé avec des gens du monde entier, qui a dirigé une boite de communication et qui a connu les premières heures de Photoshop te dit « tu sais, moi ce qui m’intéresse c’est l’autre, c’est les rencontres », tu te dis qu’il a du en faire un sacré paquet.

Alors, comme tous les passionnés, Jean-Luc est très bavard, des histoires, il en a de quoi tenir des heures et même des soirées et il aime les raconter.

L’entretien

Je suis diplômé des arts décoratifs de Paris.

J’ai eu toute une carrière sur papier, conception de maquettes sur papier, mise en page sur papier, j’ai fait travailler des photographes, c’était sur papier, photogravure traditionnelle.

Quand tu as connu le traditionnel quand tu passes sur informatique tu comprends ce que tu fais, c’est quand même pas mal.

J’ai toujours été intéressé par des métiers manuels, imprimeur, graveur, d’ailleurs, je voulais être graveur.

J’ai fait un stage, à l’époque on n’appelait pas ça comme ça, chez Jacques Combet, qui gravait les plaques à billets pour la Banque de France et les timbres poste.

Quand tu vois ces mecs-là tracer deux traits fins, sur une plaque de cuivre qui fait la grandeur d’un billet de banque et qui écrivent de l’anglaise à l’envers avec des pleins et des déliés, ça te calme.

Et quand tu disais : je veux être graveur

On te répondait : bah ouais, il te faut 10 ans ou 15 ans pour apprendre et arriver à faire ça.

T’es tout jeune et tu te dis : bon, je gagne ma vie quand ?

Je me suis alors orienté vers la pub,  car la pub à l’époque c’était de l’argent vite gagné.

J’ai vu une annonce dans un journal, Apple France s’installait aux Ulis (91) et cherchait du monde pour monter un studio graphique.

Comme je suis curieux, l’informatique j’avais vraiment envie de voir ce que c’était, alors je suis allé les voir.

Je suis tombé sur le responsable qui montait ce studio graphique qui m’a dit : écoutez, j’ai un autre rendez-vous, j’en ai pour ¼ d’heure, je vous laisse et je reviens.

A l’époque, c’était les premiers Mac, c’était du noir et du blanc, y’avait pas de gris et quand tu dessinais ça faisait des escaliers de pixels.

J’ai fait un dessin et quand il est revenu, il l’a vu et m’a dit : ah, je peux le publier ? (Ils avaient une revue interne qui s’appelait Apple le magazine). Et puis je vous garde, c’est des gens comme vous qu’il me faut. J’ai travaillé pendant 10 ans en free pour Apple.

On se déplaçait dans les écoles d’arts et de photo avec une quinzaine de Mac, des scanners, des imprimantes, ça a été une grande force d’Apple.

De fil en aiguille, j’ai fait aussi les 22 Apple Expo. J’étais sur le stand Apple, je me suis fait un carnet de contacts extraordinaire.

J’ai connu les gens qui ont créé Adobe France, j’ai eu une des premières versions de Photoshop la bêta 0.85 qui tenait sur une disquette. Il y avait à l’époque disons 4 outils, dont la fameuse baguette magique qui était déjà là, c’était une grande révolution.

Sur mon stand, j’ai fait connaissance de Mark Zimmer, je pense en 1988, qui avait créé Image Studio, qui est devenu Color studio, où il y a eu l’apparition des calques, parce que contrairement à ce qu’on croit, les calques n’ont pas été inventés dans photoshop, puis il a créé Painter, Fractal Design Painter, qu’on connait aujourd’hui sous le nom de Corel Painter, depuis le rachat du logiciel par la société Corel.

Avec Mark, on discutait et il me demandait : mais quand tu passes le fusain comme ça, qu’est ce que ça fait ? Lui était programmeur, un spécialiste du fractal, pas du tout dessinateur.

Il était fasciné par le Louvres, on s’y rendait souvent ensemble et son but était de reproduire le dessin réel en informatique. On a travaillé ensemble sur les rendus, le fusain et tout ça.

On a fait évoluer le produit.

Depuis, le programme a été racheté par Corel et c’est devenu, un peu comme Photoshop, une usine à gaz.

Souvent, en tant que professionnels, on préfère avoir peu d’outils mais qui font les choses bien, plutôt qu’un programme qui fait tout. Tu peux pas demander à un programme de tout faire, c’est pas possible.

Un jour, un américain vient me voir sur le stand d’Apple, il me met entre les mains une des premières tablettes graphiques et me dit : comme vous dessinez, ça m’intéresse que vous montriez le produit et ensuite, ceux qui veulent acheter, vous me les envoyez sur mon stand.

En deux jours, ils ont vendu tout le stock, alors le mec est revenu me voir et m’a dit est-ce que je peux vous inviter à dîner ? Et pendant le dîner, il me donne un paquet, c’est comme ça que j’ai eu ma première tablette graphique.

A l’époque, ça n’était pas du Wacom, mais Personnal Writer Inc., le stylet était relié à la tablette par un fil.

Seule publication que j’ai trouvé qui parle de la tablette Personal Writer : prix 800$ à l’époque.

Ensuite, ça s’est enclenché avec Wacom et depuis, ça fait 27 ans que je travaille avec eux, c’est toute une histoire.

Je travaille toujours sur informatique ou sur papier, je passe de l’un à l’autre, ce n’est jamais un souci.

D’ailleurs, ma tablette graphique actuelle, je l’ai passée pendant un mois aux humanoïdes associés (d’ailleurs ils m’ont envoyé un super cadeau), parce qu’ils avaient un gros projet de storyboard, tous mes potes me demandaient comment j’allais pouvoir m’en passer pendant un mois, je ne comprends pas le souci, des du papier et des crayons.

Aujourd’hui, la technologie fait que si tu n’as pas tel programme, tu ne peux plus travailler, pourtant on s’en fout de l’outil.

Quand tu vois des dessins de Rodin ou de Léonard De Vinci, tu ne te poses pas la question de savoir quel crayon il a utilisé.

Comme chez Apple, j’ai utilisé les premiers programmes graphiques de dessin, j’ai toujours su passer d’un programme à un autre pour tirer le meilleur de chacun des programmes.

Je travaille souvent avec des programmes que je n’achète pas chers +/- 50$, mais qui vont avoir une spécialité qu’on ne va pas retrouver ailleurs, chez les ténors.

J’utilise entre autres Mischief, Affinity Photo (qui est d’ailleurs le meilleur rendu fusain que je connais), mais plus en arrière, j’ai utilisé des programmes comme Live picture, qui a disparu entre temps

Article sur le logiciel Live Picture.

Entre temps, je suis devenu Adobe Influencer, j’avais accès à tous les logiciels Adobe, jusqu’au jour où un responsable aux Etats Unis décide que les Adobe Influencers devaient payer leurs programmes comme les autres.

J’ai des copains, c’est Photoshop, Photoshop, Photoshop. C’est très bien Photoshop, je ne critique absolument pas, mais moi quand je dessine, j’ai des crayons rouges, j’ai des crayons bleus, alors pourquoi je devrais me  limiter aux seuls crayons rouges ?

 Je me définis comme ça, comme un rêveur d’images

Chez Jean-Luc, on navigue entre les pinceaux, les plumes, l’Ipad, l’ordinateur, les papiers. Tous est bon pour exercer son métier-passion.

Il veut bien prêter sa tablette graphique, mais jamais ses pinceaux à aquarelle, parce que des pinceaux c’est personnel.

Il a toujours dans sa poche ses crayons aquarelle et le pinceau qui va avec, un pinceau qui vient de chez Dubois, qu’il a récupéré à la fermeture en février 2018, qui était le pinceau de démo de la boutique, qu’il fréquentait depuis 1963, une fermeture qui l’attriste, je le comprends bien.

Les discussions avec Jean-Luc oscillent entre parcours de vie, tutoriels, et diverses démonstrations de logiciels ou de crayons, c’est son côté formateur, car il propose des formations.

Il me fait une démo sur un logiciel, dans lequel il signe ses dessins à l’aide d’un pochoir, rêveur d’images « je me définis comme ça, comme un rêveur d’images ».

Pour Jean-Luc, la vie est faite pour se parler et se rencontrer, pas se taper sur la gueule et pour faire des rencontres, il faut avoir le regard et l’esprit ouverts.

Cet entretien avec Jean-Luc se termine sur des citations de sa grand-mère, une femme pour qui il a beaucoup d’amour et d’admiration, mes deux citations préférées resteront

  • Il faut profiter de la vie, pour que la mort n’ai plus rien à prendre.

  • Chez l’homme, le pessimisme est de nature, l’optimisme de volonté.

Voilà, je ne suis probablement pas un champion pour synthétiser un entretien comme celui-là, puis faut pas compter sur Jean-Luc pour vous aider à faire bref, cela aurai pu durer encore bien plus longtemps.

Merci à toi Jean-Luc.

Retrouvez la page artiste de Jean-Luc.

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